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383 Dans les coulisses du RER A

samedi 26 janvier 2013 • 20:29 (CET)
Dernière édition : jeudi 31 janvier 2013 • 16:23 (CET)

MI2N du RER A
MI2N Altéo n°11 du RER A à Cergy–Saint-Christophe

Comme plus d'un million de Franciliens, je prends régulièrement le RER A, en particulier lorsque je bosse au siège de ma boîte, situé à Cergy. Et comme mes compagnons de voyage, je subis régulièrement les perturbations et incidents de cette ligne, complètement saturée.

C'est que la ligne A est devenue, depuis sa création en 1969, une véritable colonne vertébrale de l'Île-de-France et l'une des lignes urbaines les plus fréquentées au monde. Il faut dire qu'elle traverse la région d'est en ouest, et qu'elle relie certaines zones touristiques de Paris à diverses villes nouvelles, pôles très résidentiels (Marne-la-Vallée, Cergy-Pontoise…) ainsi qu'au quartier d'affaires de la Défense. Et forcément, un grain de sable dans une mécanique pourtant bien huilée peut avoir des conséquences épouvantables pour les voyageurs en terme de temps de trajet et de relations avec le transporteur.

Quoi que.

Il y a environ un peu plus d'un an, la SNCF a lancé une série de blogs dédiés aux lignes Transilien, dont l'un concerne la partie du RER A qu'elle exploite. Ce blog est animé par la responsable consommateurs de la ligne et a permis de nombreux échanges très intéressants et très instructifs, notamment en ce qui concerne :

  • Les incidents : le blog permet d'en savoir plus sur les incidents, qui peuvent être décortiqués ; la SNCF a alors une chance d'expliquer pourquoi telle ou telle décision a été prise, tout en répondant aux questions éventuelles que se posent les lecteurs du blog,
  • L'actualité de la ligne : les plannings de travaux, ou des informations plus générales concernant le réseau,
  • Le système ferroviaire : des posts qui visent à expliquer comment fonctionne tel ou tel dispositif, parfois introduits par des bloguinettes dont l'animatrice du blog de la ligne N est très friande ;),
  • Les améliorations : en exposant des projets, la SNCF peut utiliser les blogs pour recueillir l'avis des voyageurs ou même simplement leurs suggestions. La ligne C a ainsi validé le changement d'abréviation Infogare des gares de Versailles–Château et Versailles–Chantiers pour éviter les confusions entre les deux ; la ligne A cherche à mettre au point une fiche horaire, plus pratique, qui reprendrait aussi les trains des lignes L et J (chaque gare SNCF de la A étant commune avec au moins une de ces deux lignes).

En bref, si vous utilisez régulièrement les transports en commun, je ne peux que vous conseiller de les lire pour mieux comprendre le point de vue de l'exploitant, parfois très différent de notre point de vue de voyageur. D'ailleurs quand j'entends les arguments des « râleurs » en cas de problème, je me dis que tout le monde devrait les lire.

Comme l'idée de ces blogs est principalement de rapprocher la SNCF de ses voyageurs (je n'arriverai jamais à me faire à l'utilisation du mot « client ») et inversement, les animateurs des blogs proposent diverses activités fort instructives telles que la visite des Centres Opérationels Transilien (généralement une visite par mois), qui permet de discuter avec les responsables des circulations et de l'information voyageur, de voir comment ils travaillent, de leur poser des questions… La visite du COT de Paris-Saint-Lazare, qui gère les lignes A, J, L et les grandes lignes permet de comprendre par exemple pourquoi un train en panne à Saint-Cloud (ligne L) peut conduire au retard d'un train pour Ermont–Eaubonne (ligne J) ; ou pourquoi le conducteur du train ne nous informe que tardivement de la raison d'un arrêt inopiné (en général c'est simplement qu'il a été lui-même informé tardivement, que la nature de l'incident a été longue à déterminer, ou qu'il s'agit d'une situation d'urgence à un autre endroit…), etc.

La RATP, elle, ne s'est pas encore mise aux blogs. D'après ce que j'ai compris, les agents sur le terrains n'ont rien contre, mais la direction a un peu de mal avec l'idée pour le moment. Néanmoins, il nous a été permis de visiter le PCC de Vincennes, l'équivalent du COT mais pour la partie RATP de la ligne. Les installations y sont impressionnantes, en particulier le tableau optique qui, s'étalant sur 33 mètres, donne en un coup d'œil l'état du trafic et de l'alimentation électrique. C'est de cette salle que les régulateurs et aiguilleurs gèrent les circulations et que l'information voyageurs est établie. Et cette visite permet de mieux comprendre les problématique auxquels ils font face : en particulier la saturation de la ligne et la répartition de la charge voyageur, les exigences du pouvoir politique (l'autorité organisatrice, le STIF), le côté mécanique (maintenance, etc.)…

Point d'orgue, j'ai eu la chance de pouvoir faire hier soir un voyage en cabine de conduite entre Nanterre–Préfecture et Cergy–Le Haut. J'y ai rencontré le Mécanicien (c'est lui qui conduit le train), un Accompagnateur et un co-Voyageur et nous sommes partis à bord d'un MI2N Altéo sur une mission UXOL.

Cabine MI2N
Cabine d'un MI2N (élément 1581)
(cc)-by-sa Clicsouris
Source : Wikimedia Commons

Autant vous le dire tout de suite, le voyage en cabine en lui-même n'a que peu d'intérêt, en dehors de voir l'environnement de travail du Mécanicien, en particulier pour ce qui est de la fermeture des portes (on se rend compte de son angle de vision particulièrement réduit vers des écrans dont l'image n'est pas forcément très nette, ce qui doit être un cauchemar aux heures de pointe). En revanche, la discussion avec l'Accompagnateur (le Mécanicien n'est pas censé prendre part à la conversation, après tout il a un train à conduire), au rythme des signaux sonores comme lumineux, était très intéressante, et a d'ailleurs vite dévié sur des thèmes plutôt techniques. Par parenthèse, je pense qu'il aurait été intéressant de vivre un incident du point de vue du Mécanicien, mais ce n'était pas pour hier soir où tout s'est bien déroulé. Seule anicroche : notre UXOL étant arrivé en retard à Nanterre–Préfecture, il s'est fait doubler par un UECY de la ligne L qui, lui, était à l'heure en sortant de Nanterre–Université (en contrebas). Or, selon le principe qui veut qu'un train à l'heure soit toujours prioritaire sur un train en retard, nous nous sommes retrouvés derrière un train qui devait effectuer des arrêts que nous ne devions pas observer (c'est à dire Houilles–Carrières et Maisons-Laffitte) et qui, en outre, a de moindres capacités d'accélération (le MI2N Altéo a une motorisation supérieure à celle du Z6400). Du coup, il a fallu que le train roule plus lentement que la vitesse limite prévue (90 km/h : vitesse limite en vertu de laquelle les horaires sont calculés), tout en évitant la conduite par à-coup, faite d'arrêts et de redémarrages en fonction de la signalisation. En l'occurrence, l'idée est de rouler suffisamment lentement pour éviter si possible de rencontrer des signaux fermés, mais suffisamment vite pour ne pas se faire rattraper à son tour par le train qui arrive derrière (et qui se trouverait donc, lui aussi, confronté à des signaux fermés), tout en gérant les zones de changement de phase pendant lesquelles le train n'est plus alimenté et qu'il doit passer disjoncteur ouvert. L'Accompagnateur me confie que la grande hantise du Mécanicien, c'est l'arrêt en pleine voie : les voyageurs n'hésitent plus à tirer les signaux d'alarme et à descendre du train, en particulier si la gare se situe à proximité. Cette attitude est non seulement dangereuse, mais elle entraîne l'interruption de toutes les circulations jusqu'à ce que tous les voyageurs aient été évacués. C'est ce qui s'est passé lors de l'incident du réseau Paris–Nord en novembre 2012.

Pour la première fois, j'ai donc été presque déçu qu'il n'y ait pas d'incident (oui, presque, parce que bon il ne faut pas exagérer, les incidents ce n'est drôle pour personne).

Tout ça pour vous dire que ces différentes visites et expériences permettent de mieux comprendre le point de vue de l'exploitant, de comprendre différentes choses parmi lesquelles :

  • … pourquoi le train roule lentement sans raison apparente, et pourquoi le conducteur ne dit rien — il y a simplement un train devant, peut-être d'une autre ligne, et le conducteur module sa vitesse comme je l'ai expliqué plus haut. Pour le conducteur, c'est simple, il n'a pas le droit de communiquer avec les voyageurs pendant qu'il roule !
  • … pourquoi il y a un train qui lui passe devant alors qu'on était là avant lui — les raisons sont diverses mais souvent, c'est parce que le train en question est à l'heure, lui.
  • … pourquoi il n'y a pas autant de trains à deux niveaux qu'on le voudrait à la pointe du matin — souvent parce que la RATP veut les faire revenir le plus vite possible sur le tronçon central et les envoie donc vers les missions courtes ; mais ça dépend aussi de l'ordre dans lequel ils ont été garés la veille au soir : on ne fait pas faire de créneau à un train !
  • … pourquoi certains trains changent de desserte ou de destination en cours de route — ces trains dits replaqués remplacent de facto un train supprimé mais permettent de rattraper les bonnes heures, évitant ainsi des suppressions supplémentaires.
  • … pourquoi la désaturation de la ligne va être aussi compliquée à mettre en œuvre (les logements et les quartiers d'affaires sont dans des régions distinctes, entraînant la surcharge en pointe dans le sens Périphérie > Paris/La Défense le matin et dans l'autre sens le soir, en particulier pour toute la région de Marne-la-Vallée qui ressemble à un vaste chantier immobilier).

Et ça permet plus globalement de poser des questions et d'avoir des réponses.

Extrait du plan du RER A
Extrait du plan du RER A
© Agence cartographique de la RATP

À noter qu'à côté de ces moyens de communication institutionnels, un certain nombre d'agents de la SNCF, de la RATP ou d'autres réseaux de transport ont créé des comptes Twitter personnels ou des blogs sur lesquels ils font à l'occasion valoir leur point de vue, ce qui est également intéressant (dans les limites de la confidentialité et tout ça, évidemment, la SNCF me dit dans l'oreillette qu'ils veillent !). En plus ils sont très sympas, ça n'ôte rien !

Édition le 31/01 : Depuis que j'ai écrit cet article (qui a pris du retard suite à une panne de mon hébergeur), la RATP a ouvert un fil Twitter pour le RER A ! Et moi j'en ai profité pour réorganiser mes listes que vous trouverez ci-dessous.

Puisqu'on me le demande également, une précision : les opportunités de faire des voyages en cabine sont rares. En effet, cela nécessite en général la présence d'un Accompagnateur, puisque comme je l'ai dit le Mécanicien doit conduire son train. Et pour des raisons de sécurité, il faut également une autorisation délivrée en bonne et due forme par le transporteur. Si jamais vous avez l'opportunité, par contre, ça vaut le coup !

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