Le blog de Clem

Salut, visiteur !

connexion

367 Le retour du Castor

mardi 03 juillet 2012 • 21:35 (CEST)
Dernière édition : samedi 21 juillet 2012 • 13:46 (CEST)

Logo SNCF Castor RER C

Pour la 18e année consécutive, les travaux Castor interrompront à partir du 16 juillet 2012 la circulation du RER C sur sa branche centrale entre les gares d'Invalides et de Paris–Austerlitz, jusqu'au 18 août.

Comme tous les ans, cette interruption suscite de nombreuses réactions des voyageurs, généralement mécontents de voir leur trajet perturbé, ainsi que des touristes qui ne comprennent pas très bien ce qui se passe.

On peut comprendre l'inconvénient pour ces voyageurs, surtout que comme d'habitude, la RATP est en horaires d'été et que la ligne 10 du métro est particulièrement allégée (on parle aussi beaucoup de l'aberration archéologique qu'est la correspondance à Bibliothèque François Mitterrand). On peut mesurer l'énervement en regardant les différents posts de blog qui sont consacrés à Castor, çà et là (notamment celui du blog de la ligne C). En particulier, de nombreux usagers se demandent ce qu'on peut bien faire, d'autant que de par la nature des travaux, on ne voit absolument pas la différence (hé oui, on renforce des fondations, donc ça ne se voit pas. J'ai lu un jour dans un commentaire, textuellement, « on se demande ce qu'ils peuvent bien faire »... par parenthèse il y a des panneaux d'explications un peu partout, hein, il faudrait peut-être les lire avant de commenter...).

Il faut savoir que le tunnel séquanien du RER C, construit dans les années 1890, repose sur des pieux en bois.

Le bois de chêne, c'est extrêmement solide, et ces pieux tiendraient encore très longtemps s'il n'y avait pas un inconvénient majeur : la proximité de la Seine. Ses variations de niveau fragilisent la structure, et il faut encore ajouter la pression sur le mur poids (voir le schéma). En outre, le tunnel est situé en partie immédiatement sous la chaussée (à partir du tunnel de Montebello) : il subit donc également une pression venue de la route.

Si vous voulez vous faire une idée de la faible profondeur de ce tunnel, rendez-vous quai Saint-Bernard : vous verrez la partie en tranchée (à ciel ouvert). Suivez la tranchée vers l'aval jusqu'au tunnel de Montebello, et vous constaterez que sa voûte est vraiment située tout près de la route.
En conséquence, des fissures, affaissements du radier (la dalle qui lie une structure à ses fondations) et infiltrations d'eau ont été observés en divers endroits.

Schéma du tunnel du RER C par RFF
© RFF / Documentation Castor

C'est ainsi que la SNCF a lancé les travaux Castor en 1995 (c'est désormais RFF, créée en 1997, qui en est le maître d'œuvre). Il y avait à l'origine deux types de travaux menés en parallèle : un renforcement des parois du tunnel au moyen de coques — cette phase est déjà terminée — et le renforcement des fondations, les fameux pieux en bois.

Pour ce faire, on utilise la méthode dite du « jet grouting », une technique d'injection qui consiste à injecter dans le sol un coulis à base de ciment, à très haute pression, qui consolide la structure en se mélangeant au terrain. En somme, on ne remplace pas le terrain, on lui ajoute de quoi le renforcer.

Schéma de jet grouting par RFF
© RFF / Documentation Castor

Évidemment, tout ceci prend énormément de temps. On ne pourrait pas réaliser ces travaux uniquement de nuit, puisqu'il faut enlever les voies et le ballast et qu'il serait très peu commode de les enlever tous les soirs pour les remettre tous les matins, sans compter l'allongement considérable de la durée des travaux, le chantier tournant actuellement 24 heures sur 24. Les colonnes de jet, elles, sont les unes à côté des autres : imaginez le nombre de colonnes sur l'ensemble du tronçon concerné (qui fait plusieurs  kilomètres), sachant qu'en six semaines de travaux, on traite en moyenne des tronçons de 180 mètres.

AdamStolker a objecté qu'on fermait « toujours la même portion », à savoir d'Invalides à Austerlitz. En réalité, comme je l'ai dit, on ne traite chaque année qu'une petite portion. La raison pour la fermeture d'un tronçon plus grand est purement technique : Invalides et Austerlitz sont les deux seules gares de terminus capables de gérer le retournement des trains. Cette année par exemple, les travaux sont à cheval sur la tranchée Saint-Bernard et le tunnel de Montebello ; si on laissait aller les trains qui viennent de l'ouest jusqu'à, disons, Saint-Michel–Notre-Dame, ceux-ci seraient obligés de repartir par leur voie d'arrivée, bloquant les trains suivants qui devraient attendre leur retour à Invalides pour circuler à leur tour sur la partie Invalides–Saint-Michel. En clair, on ajouterait du bazar au bazar, avec des répercussions jusque loin en banlieue. C'est un peu comme lorsqu'une section entière d'une ligne de métro est fermée suite à un incident : parfois on fait tourner les trains assez loin de la station concernée, cela dépend du sectionnement électrique et de l'emplacement des aiguilles qui permettent aux trains de passer d'une voie à l'autre.

Beaucoup d'usagers se demandent pourquoi ne pas fermer la ligne une bonne fois pour toutes et en finir avec ces travaux. Il y a plusieurs raisons à celà : d'une part, en année pleine, la ligne transporte plus de 450 000 passagers / jour sur ce tronçon, alors qu'il y a moins de voyageurs en été. En outre, pour couvrir la distance, il aurait fallu fermer la ligne pendant au moins un an, et c'est la prévision optimiste — en réalité, deux ans serait plus proche de la réalité, ce qui entraînerait un bazar incommensurable (les responsables du projet, pour RFF, parlent plus volontiers de deux ans, d'ailleurs).

Il y a aussi des aspects techniques : Castor mobilise des moyens extrêmement importants et aucune entreprise ne pourrait assurer l'ensemble pendant deux ans. Et elles sont déjà deux sur Castor (Spie fondations et Soletanche-Bachy, deux des principales entreprises française de fondations spéciales) : l'ampleur de ce chantier est particulièrement exceptionnelle et immobiliserait une grande partie de leur matériel d'injection, ce qui freinerait d'autres chantiers. Et je ne parle même pas des sous-traitants qui doivent pouvoir suivre, ainsi que des contraintes annexes : par exemple, les déblais sont évacués par barges et il est difficile d'inclure, en année pleine et pour une période étendue, autant de barges dans un trafic fluvial déjà très dense. La même chose est vraie pour les camions.

Il faut aussi noter que la SNCF en profite pour effectuer diverses opérations de maintenance, par exemple sur la signalisation.

Les travaux sont prévus pour durer jusqu'en 2017. Bref, comme le dit France 3, « les passagers ne sont pas près de voir le bout du tunnel »...

Panneau d'information de RFF sur les travaux Castor du RER C 2012
Reportage du Soir 3 de France 3 Paris-Île-de-France du 29 juillet 2010 :
Reportage du 12/13 de France 3 Paris-Île-de-France du 28 juillet 2011 :

samedi 23 novembre 2024
tridi 3 frimaire 233
jour de la chicorée