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380 De la ceinture au tram

dimanche 16 décembre 2012 • 16:37 (CET)

Un Citadis 300 du tramway T3b emprunte la nouvelle passerelle sur le canal de l'Ourcq.
Un Citadis 300 du T3b emprunte la nouvelle passerelle sur le canal de l'Ourcq.
© Jean-Baptiste Gurliat / Mairie de Paris. Source : page Facebook de Paris.

C'est enfin fait : depuis hier, après plusieurs années de travaux, le tramway des maréchaux est, comme il était dénommé au stade de projet, vient ajouter une nouvelle page à ce qu'on pourrait appeler la « saga de la Petite ceinture ». Une longue histoire, qui n'a sûrement pas fini de s'écrire.

Ce tramway T3, découpé en deux tronçons dénommés respectivement T3a et T3b (ce qui a provoqué une furieuse controverse chez les ferrovipathes amateurs comme professionnels, je ne reviens pas là-dessus), vient soulager les quartiers les plus populaires de Paris qui se trouvent justement dans le nord-est de la ville. Ainsi, grâce au tram, des dizaines de milliers d'habitants mais également de limitrophes vont échapper à l'enfer du bus, souvent empêtré dans la circulation. Le tram a une capacité d'accueil bien plus importante et surtout bénéficie de la priorité aux carrefours, même s'il faut encore que les conducteurs apprennent à respecter ce feu rouge clignotant dont ils ont perdu l'habitude, bien qu'il soit présent à chaque passage à niveau du pays.

La petite ceinture voit donc une nouvelle page s'ouvrir : même si la petite ceinture ferroviaire, ouverte en 1852 et réservée au transport de marchandises de 1934 à sa fermeture complète en 1990 n'est apparemment pas prête de revoir des trains de voyageurs (malgré la mobilisation d'associations), le réseau de substitution qui l'a remplacée s'est considérablement transformé.

Les parisiens de longue date ne peuvent que se souvenir du bus PC, cette espèce d'aberration qui a pris le relais en juillet 1934 et s'est progressivement éloigné de son tracé pour coller au plus près des Maréchaux, assurant surtout une desserte locale. Le PC était une gigantesque boucle de 35 km de long, et son trajet était divisé en 22 sections[1], ce qui rendait un long trajet onéreux. Une ligne de cette longueur était également très sujette aux effets « boule de neige » au moindre problème de circulation et il fallait donc souvent plus de trois heures pour faire le tour complet, souvent dans des conditions difficile car la ligne ne bénéficiait pas de matériel articulé. Il fallait aussi compter sur la traversée de quartiers particulièrement sensibles à cette époque.

Plan du PC en 1980.
Plan du PC en 1980. © RATP. Source : éditions Leconte.

Le PC a été l'une des dernières lignes a faire circuler des autobus Renault SC10 R[2], connu pour ses portes « en accordéon » et ses banquettes en cuir plutôt confortables. Par parenthèse, ces bus ne bénéficiaient ni de la direction assistée ni de boîte de vitesse automatique, contrairement à toutes les générations suivantes.

Heureusement, en 1999 (11 ans après les débuts de son successeur, le R312, le PC n'avait toujours pas reçu de nouveau matériel), la RATP a décidé que la situation n'était plus tenable. La ligne PC a été divisée en 3 tronçons et chaque ligne a reçu des Agora L — enfin un matériel neuf et articulé ! — et les choses se sont un peu améliorées pour les passagers de ces lignes qui, souvent, contournent la capitale pour aller chercher une ligne de métro quelques portes plus loin.

L'arrivée du T3, en 2006, a marqué le grand retour du tramway à l'intérieur de Paris, dont la dernière ligne avait disparu 69 ans auparavant. Le PC1 a été drastiquement raccourci, simplifiant sa gestion ; le PC3 a subi le même sort hier ; quant au PC2, il a carrément disparu et ne sera probablement pas regretté par grand monde.

Renault Irisbus Agora L sur la ligne PC2
Renault Agora L sur la ligne PC2 à Porte d'Ivry
(cc)-by-sa Vincent Babilotte
Source : Wikimedia Commons

Pour son dernier né, la RATP a eu quelques idées originales, en lançant notamment un concours pour les annonces des stations, résultant en 210 combinaisons de deux voix, accompagnée d'un jingle spécialement conçu pour chaque station. Moins heureux, le T3 n'étant qu'une seule et même ligne (malgré la correspondance obligatoire à Porte de Vincennes), les plans affichés dans les rames reprennent les deux tracés, ce qui occasionne doute et confusion chez les passagers les moins habitués. Et même si la vitesse commerciale n'est pas aussi élevée que ce qu'espérait la RATP, qui tablait sur 20 km/h (contre 12 km/h pour les PC), les voyageurs y gagnent largement en confort.

Il faut aussi noter la profonde transformation des Maréchaux occasionnée par le tramway, qui a permis de rationnaliser de nombreux carrefours. Ainsi la porte de Bagnolet était un horrible rond-point[3] qui occasionnait un bazar incommensurable. Aujourd'hui, un joli carrefour classique à feux régule toutes les directions et a considérablement fluidifié le trafic en gardant tout le monde dans la même direction. Autre exemple avec le boulevard Macdonald qui a été complètement transformé : immeubles d'habitation, commerces, espaces verts et pistes cyclables protégées sont venus remplacer les parkings officiels comme sauvages et le tram permet de désenclaver le quartier en lui offrant une liaison rapide avec le métro (lignes 7 et 12 pour les plus proches). D'autres commerces et un collège viendront compléter le tableau avant que la gare Rosa Parks ne donne la touche finale.

Quoi qu'il en soit, le tramway est populaire : de nombreuses personnalités se trouvaient à l'inauguration dont le maire de Paris et sa première adjointe ; le président de la région Île-de-France et son vice-président chargé des transports ; divers élus locaux de Paris comme de banlieue ; une nuée de journalistes et tout autant de citoyens ordinaires plus ou moins curieux dont j'ai eu l'honneur de faire partie. Et nul doute que le T3b sera, malheureusement, très vite victime de son succès.

Quant à la petite ceinture, elle reste toujours plus où moins à l'abandon. Des associations continuent de se mobiliser pour sa réhabilitation ; certaines ont des idées de substitution. D'autres encore espèrent que le futur tramway T8 qui, hypothétiquement, pourrait relier en 2020 Saint-Denis à la gare Rosa Parks pourrait y reprendre la petite ceinture pour aller desservir les Buttes Chaumont et les quartiers du bas 19e. Quoi qu'il en soit, pour la Ville, la petite ceinture est un enjeu majeur.

Non, vraiment, l'histoire de la petite ceinture est encore loin de sa dernière page.

Vous pouvez retrouver mon album consacré aux travaux du prolongement du T3 sur Flickr. Il y avait aussi une page Facebook consacrée à ce prolongement.

Vous pouvez trouver des infos via des associations relatives à la petite ceinture dont par exemple l'ASPCRF. Vous pouvez aussi voir l'étude de l'APUR sur le futur de la petite ceinture.

Pour les nostalgiques, vous pouvez regarder ce reportage de Sans aucun doute de 1997 consacré à la violence dans les transports : les premières minutes sont consacrés au PC. Et vous pouvez bien sûr lire cet article de Libération de 1998 que j'ai déjà lié plus haut.

Notes

[1] Le sectionnement permettait de connaître le nombre de tickets à valider pour un trajet : 1 ticket pour 1 à 3 sections, 2 tickets pour 4 à 6 sections, etc. Le sectionnement a été progressivement supprimé du réseau. Depuis 2009, il ne reste plus que trois lignes RATP soumises au sectionnement : le STIF considère qu'il s'agit de lignes à fort niveau de service, souvent avec liaison autoroutière. Il s'agit des lignes 299, 350 et 351 (le Balabus n'est plus sectionné mais ne permet pas de correspondance). Douze autres lignes du réseau Optile sont également toujours sectionnées.

[2] La ligne 29 a été la toute dernière, avec des SC10 RA (avec une plateforme arrière) rénovés. Ces bus ont été les derniers à avoir une plateforme, genre de petit balcon. Un SC10 RA a circulé sur la ligne 54 en 2010 à l'occasion des 10 ans de la déviation de cette ligne vers la porte d'Aubervilliers. Pour l'anecdote, c'est aussi un SC10 RA qui est utilisé comme char RATP lors de la marche des fiertés de Paris.

[3] À Paris, il n'y a aucune route, seulement des rues. En conséquence, la priorité à droite s'applique partout, y compris sur le boulevard périphérique et sur les rond-points. Donc contrairement aux rond-points classiques où la priorité est aux véhicules circulant sur l'anneau, et où les véhicules ont un cédez-le-passage à l'entrée, à Paris ce sont les véhicules entrant sur l'anneau qui ont la priorité. Sur certains de ces rond-points, des lignes de priorité sont supposées être dessinées au sol mais elles sont souvent effacées.