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386 L'aveuglement de la « manif (pas) pour tous »

jeudi 23 mai 2013 • 17:29 (CEST)

Ils ne lâcheront rien. Ça fait des semaines qu'ils le hurlent haut et fort, ils ne lâcheront rien. La loi a été votée, le processus démocratique respecté et la conclusion sera celle qu'on a subi tant de fois lorsque nous étions, nous à gauche, dans l'opposition lors de réformes stupides qui ne servaient à rien tout en compliquant la vi de bien des gens (réforme des retraites de 2010 par exemple). Pour une fois, il s'agit quand même d'une loi qui fait avancer des droits. J'ai déjà parlé du mariage pour tous, qui est pour moi une évidence.

JO du 18 mai 2013
Début du texte de la loi 2013-404 ouvrant le mariage à tous les couples.

J'ai reçu aujourd'hui un énième tract concernant la « manif (pas) pour tous » qui doit se tenir à Paris dimanche prochain. Outre les couleurs stéréotypées — bleu et rose —, on y retrouve une Marianne baillonnée (apparemment il faudrait leur donner des cours de droit constitutionnel à ces gens là), mais surtout, au verso, l'appel correspondant à la manifestation. Appel qui, comme d'habitude, est plein de choses complètement fausses, et je ne résiste pas à l'envie de faire un petit démontage.

M. Le Président, ne touchez pas à l'adoption et à la filiation, vous laisserez fabriquer les enfants par PMA et GPA pour tous !

Notons que dès l'accroche, le « pour tous » subit une inversion de sens. S'il se voulait positif dans le nom même de la pseudo-organisation dont nous parlons, ici il devient négatif. La formulation sous-entend clairement que la PMA et la GPA, ça ne doit pas être pour tous. De là à dire « pour quelques uns » ? Nous y reviendrons.

Le mariage civil fonde la filiation des enfants et les droits de parenté. Avec le "mariage pour tous", la loi Taubira ouvre d'emblée l'adoption plénière aux couples de personnes de même sexe, bouleversant ainsi le principe de filiation biologique.

Notons à nouveau le sens négatif de « pour tous » et les guillemets autour du mariage pour tous. Mais surtout, une contre-vérité : le mariage civil ne fonde absolument pas la filiation des enfants ni les droits de parenté. De même que ma mère est ma mère parce que la loi la reconnaît comme telle, mon père est mon père parce qu'il m'a reconnu à la naissance. Si un jour ma mère divorce et se remarie, son nouveau mari ne deviendra pas mon père pour autant ! D'ailleurs, mes parents n'étaient pas mariés au moment de ma naissance : pour autant mon père reste mon père aux yeux de la loi. Il serait vraiment temps que les opposants comprennent que le mariage est avant tout un contrat passé entre deux adultes qui déclarent organiser leur vie commune dans les conditions prévues par la loi. C'est exactement comme le pacs, hormis le fait que la teneur du contrat et les conditions correspondantes sont différentes. Et en particulier, oui, ce contrat crée une nouvelle entité (ce que le pacs ne fait pas) ; cette entité peut par exemple adopter pleinement un enfant.

Or un enfant ne peut être né de deux hommes ou de deux femmes. Il doit connaître et, si possible, être éduqué par son père et sa mère biologiques, sauf accident de la vie. La loi Taubira institutionnalise donc dans notre droit civil l'anonymat des origines paternelles ou maternelles pour un enfant né ou à naître. Ce n'est pas acceptable !

Il faudrait être complètement con pour nier la biologie (quoi que, aux États-Unis certains fondamentalistes religieux y parviennent). En revanche, on en revient à ce que je disais : ça n'a rien à voir avec le mariage. Pas besoin de mariage pour faire des enfants. Pas besoin d'enfants pour se marier. Les « antis » font également un énorme contresens ! La loi Taubira n'institutionnalise rien du tout pour la simple et bonne raison que l'anonymat des origines paternelle ou maternelle de l'enfant existe déjà en droit ! ça s'appelle l'accouchement sous X et le don de gamètes anonyme ! Et je ne parle même pas des cas où la mère ne sait pas bien qui est le père à la base (ou bien faudrait-il soumettre tous ses amants, si elle en a eu plusieurs, à des tests ADN ?)

Il y a aussi un certain angélisme quant aux parents biologiques. Les chaînes de télévision populaires sont bourrées d'émissions qui présentent des familles complètement dégénérées, on ne compte plus les cas d'enfants battus, et j'en passe. Alors non, même hors accident de la vie, il est probablement parfois mieux pour les enfants qu'ils ne soient pas élevés par leurs parents biologiques.

En ouvrant l'adoption aux couples non procréatifs et devant l'absence d'enfants adoptables, la loi Taubira entraînera automatiquement l'ouverture de la procréation techniquement assistée à tous (PMA), puis la légalisation de la gestation pour autrui (GPA ou mères porteuses).

De nouveau ce « pour tous » négatif. Ils ne veulent la PMA que pour eux, vous comprenez ?

Ce qui me tue, c'est d'une part le qualificatif de « non procréatifs », je suppose qu'ils ont fini par comprendre que les homosexuels n'étaient pas stériles. Pourtant, cette phrase est idiote, car les homosexuels ne sont pas les seuls « couples non procréatifs ». Les couples de personnes âgées le sont aussi, de même que certains qui ont la malchance d'être stériles ou peu fertiles. Et il y a aussi ceux qui ne veulent pas d'enfants de toute façon. Interdisons-nous pour autant le mariage à tous ces couples ?

Sur la PMA et la GPA, il n'y a rien d'automatique puisque la PMA est actuellement réservé aux cas médicaux, et être homosexuel/-lle n'est pas un cas médical. Quant à la GPA, elle est interdite pour tout le monde. On se demande en outre ce que vient faire « l'absence d'enfants adoptables » car si c'était ça le problème, il faudrait interdire l'adoption tout court ! Toutes les personnes ou couples mariés qui veulent adopter un enfant devront répondre aux mêmes critères et c'est l'intérêt de l'enfant vu par les services sociaux et la justice qui comptera au final. Ajoutons que le principal intérêt de cette disposition est de permettre à un enfant n'ayant qu'un parent de pouvoir être adopté par son parent non-biologique, ce qui n'était possible que si ce dernier était marié avec son parent biologique, si celui-ci est de même sexe. C'est tout !

Les enfants nés illégalement à l'étranger seront adoptés légalement par deux hommes ou deux femmes : ainsi sera faite la reconnaissance de leur procréation artificielle. Il n'y aura qu'à la légaliser dans la loi "Famille" à venir !

Un nouveau gros contresens fait par des gens qui ne connaissent manifestement pas le droit. Un enfant né à l'étranger d'au moins un parent français est français de plein droit. Et ce, quel que soit le « mode » de sa conception. Le problème qui se pose avec la GPA concerne les cas où aucun des parents n'a pu participer biologiquement à la conception (double don de gamètes). Mais il suffit que l'enfant né de GPA soit biologiquement l'enfant de son père ou de sa mère pour qu'il soit légalement reconnu comme français : telle est la loi ! La seule différence depuis la loi Taubira est exactement la même que pour l'adoption : le conjoint pourra légalement adopter l'enfant de son compagnon ou de sa compagne, même s'il est du même sexe que lui/elle. Pour résumer, si deux hommes ont recours à la GPA à l'étranger, tant que l'un des deux a bien donné son sperme, il en est le parent biologique et l'enfant sera légalement reconnu : ensuite son compagnon pourra l'adopter s'ils sont mariés, comme sa femme aurait pu le faire !

Cette loi est dangereuse : créant des orphelins de père ou de mère, elle provoque des inégalités de naissance entre enfants et leur retire le droit de connaître leurs origines réelles. Elle instaure le "droit à l'enfant". Elle chosifie l'être humain. Elle institutionnalise la loi du genre.

Ce paragraphe savoureux est marqué en gras sur le papier alors qu'il est le plus inepte de tous. D'abord on ne crée rien du tout, ces situations existent déjà. Au contraire on permet de mieux protéger ces enfants qui se trouvaient auparavant dans un flou juridique, surtout si leur parent biologique décédait. On ne provoque donc pas d'inégalité, mais on en résoud. Quant au « droit à l'enfant », il existe déjà puisque les couples mariés stériles ont le droit de recourir à la PMA, et que tous les couples mariés et toutes les personnes individuelles ont le droit d'adopter. Pourquoi le feraient-ils s'ils n'avaient pas de "droit à l'enfant" ? En allant plus loin, on peut même dire que le "droit à l'enfant" est lié à la contraception, puisqu'on s'affranchit des contraintes naturelles qui imposaient ou non d'avoir un enfant.

Et puis un tract de la « manip pour tous » sans une allusion à la « théorie du genre », ce ne serait pas drôle !

Le reste, c'est du blabla sur « stoppons ensemble la chaîne des violences et de l'homophobie », ce qui me fait beaucoup rire puisque Virginie Tellenne elle-même hésite à y aller par peur des forces qu'elle a déchaînées, et sur la « démocratie bafouée » et tout ça.

Tout de même, outre l'ineptie quant à la loi, j'y vois plusieurs signes inquiétants. Soit les gens de la « manip pour tous » sont complètement cons, soit ils ont en ligne de mire le retour en arrière sur un certain nombre d'avancées sociales et sociétales qui ont marqué le 20e siècle, comme la contraception, l'avortement, et de manière générale l'émancipation de la femme (les papas en bleus et les mamans en rose ajouté à la teneur de bien des tweets de membres de ce mouvement est à ce titre révélateur).

Au vu de la flopée d'associations catholiques qui financent l'ensemble, je penche pour cette deuxième solution…

Je ne veux pas héberger un torchon pareil, mais vous pourrez sûrement le trouver facilement !