379 Lettre à Orange
mardi 13 novembre 2012 • 16:50 (CET)
Cher Orange,
Depuis de nombreuses années, nous sommes bons camarades. Tu fus (tu permets qu'on se tutoie ? depuis le temps qu'on se connaît !) mon premier véritable opérateur, dès 1999, après une expérience désastreuse chez un de tes concurrents. Évidemment, si je te donne mon numéro, tu me diras que je n'ai que cinq ans d'ancienneté, mais ça, c'est parce que la ligne était précédemment au nom de mes parents, puisque j'étais mineur à l'époque où elle a été ouverte.
Oh, bien sûr, je t'ai fait une infidélité, à mon époque de lycéen. Je suis allé voir la marque au carré rouge. Mais comme tu le sais, j'ai vite fini par revenir. Tu vois, j'ai du mal à me passer de toi.
À cette époque, je suis parti terminer mes études en Autriche et je peux dire que tu m'as rendu de fiers services. J'avais un forfait Pro 46 euros / 3 heures avec illimité journée vers ton réseau — ce que je ne pouvais utiliser à ce moment là — mais surtout l'international décompté du forfait depuis l'étranger et ça, mon cher Orange, ça faisait toute la différence. Tu m'as ainsi permis de rester en contact avec ma famille sans qu'ils ne dussent se ruiner en communications internationales, sans pour autant me ruiner moi, car même si l'eurotarif qui venait d'entrer en vigueur était encore bien élevé comparé à aujourd'hui, le fait d'avoir 46 euros de crédit utilisables là bas (contrairement à tous les autres forfaits) était un avantage considérable pour mes maigres finances d'étudiant. Sans cela, j'aurais dû couper ma ligne, parce que franchement, payer un crédit qu'on ne peut pas utiliser et tout avoir hors forfait, ça n'est vraiment pas une bonne chose, surtout à ces prix là. Alors bien sûr, les lignes mobiles autrichiennes étaient particulièrement bon marché (moins de 10 euros par mois avec réseau domestique + fixes + SMS illimités + amalgame Autriche/UE, à l'époque), et la mienne m'aurait suffi. Mais dans ce cas, ce sont mes proches en France qui se seraient ruinés pour rester en contact.
Au fil du temps, nous sommes restés bons amis. Quand je suis passé au smartphone, tu as fort obligeamment mis à ma disposition un merveilleux forfait, l'Origami First Plus. Oh, il n'était pas donné, ce forfait. 60,90 euros par mois, ça en faisait une somme pour un étudiant comme moi. Mais tant pis, j'ai pris cela pour le prix de l'itinérance. Avoir internet dans la poche, c'était nouveau et bien pratique. Et surtout, ce forfait incluait vraiment tout, dont l'international et tu l'as compris, je suis un jeune européen dynamique. Je voyage en Europe dès que je peux, j'ai des amis un peu partout dans le monde et j'envoie beaucoup de SMS vers l'étranger quand je n'y suis pas moi-même. D'ailleurs il est tourné vers l'étranger puisqu'il inclut une heure de communications reçues en Europe. Et l'assurance est un plus non négligeable.
Ce forfait, je l'ai toujours aujourd'hui. Je regrette simplement que, comme il n'existe plus, tu ne le revalorises pas. Ainsi, quand tu as réévalué tes forfaits Origami Star et Jet, en augmentant le fair use et en donnant accès au réseau H+, je suis passé au travers. Mais tant pis, me suis-je dit. Je ne suis pas si mal. D'autant que tu me fais profiter depuis près d'un an d'une généreuse remise de 20% qui rend le prix à nouveau acceptable, comparable à ce que je payais en 2007 au début de cette histoire.
Malheureusement, cher Orange, depuis quelque temps, tu me déçois.
Tout a commencé, j'ai envie de dire, en Irlande, en mars 2011. Un jour, tu as décidé que j'avais consommé trop d'internet en itinérance. C'était avant l'eurotarif sur la data : alors bien sûr, à 5,50 euros le mégaoctet, ça montait très vite. Néanmoins, tu as décidé de suspendre ma connexion à 35 euros. Or, moi, j'avais calculé mon coup et je disposais encore de plus de 90 euros de crédit à ce moment là, entre mon crédit normal et mon crédit reporté du mois précédent. Comprends-tu à quel point c'est frustrant ? 90 euros de crédit que tu ne me laissais pas utiliser. Oh, je comprends qu'il faille faire attention, pour éviter des situations de facturation excessive comme c'est arrivé à ce cafetier de Valenciennes qui s'est vu facturer la modique somme de 45 923 euros, ou bien ce médecin de Fontainebleau qui en était à 159 212 euros : souviens-toi, c'était en novembre 2009. D'accord pour les SMS d'alerte. Au pire, d'accord même pour couper la connexion. Mais dans ce cas, il faut permettre à l'utilisateur de la réactiver ; ce faisant, il accepte le risque. Quitte à ne commencer qu'une nouvelle tranche de 35 euros.
Tout cela, je te l'ai dit au téléphone, juste après mon retour, et je dois bien avouer que je n'étais pas très content, car une connexion m'aurait rendu bien des services à cette occasion. Mais bon, voilà, ton opératrice était fort aimable et m'a assuré que tu travaillais sur une solution.
Or, un an plus tard, je me suis trouvé à Édimbourg et là, patatras. Même motif, même punition (mais cette fois à 50 euros et non plus 35). À ta décharge, il y avait bien un bouton pour débloquer la connexion sur ta page d'erreur, mais il n'a jamais fonctionné. J'avais pourtant téléphoné au 700 avant de partir pour m'assurer qu'il n'y aurait pas de problème, et on m'avait répondu que non. Comme quoi, parfois, tes opérateurs et toi, vous n'êtes pas sur la même longueur d'onde.
Tout ceci, cher Orange, me paraît quand même assez grave, car ça s'apparente à du déni de service, et si tu veux mon avis, j'ai été bien gentil de ne rien dire. J'ai été patient, j'ai accepté d'être une victime collatérale de tes tentatives de protéger tes clients, pour le bien du plus grand nombre.
Mais voilà, il a fallu que tu fasses d'autres choses qui m'ont beaucoup exaspéré. Ainsi, un peu avant l'histoire d'Édimbourg — en décembre 2011 — tu as décidé d'annuler ma facture détaillée longue. C'est même écrit sur la facture : « depuis votre modification jusqu'à la facturation ». Je ne vois pas quel intérêt j'aurais eu à repasser à la facture détaillée courte, mais malgré tous mes efforts, je n'ai jamais réussi à savoir pourquoi cette modification est intervenue ni à rétablir la facturation détaillée longue : ni les coups de fil, ni les lettres n'ont abouti.
Tu te dis que c'est du détail ? Tu as raison, mais l'agacement est fait d'une myriade de détails. Et parmi les choses qui vraiment me font reconsidérer ma relation avec toi, il y a celle-ci : tu as, toujours à peu près à cette époque, décidé que mon suivi conso devait s'exprimer en heures, minutes et secondes et non plus en euros.
Vois-tu, cher Orange, l'absurdité de la situation ? J'ai un forfait duquel tout se décompte, avec un bonus de 3 heures en journée dans lequel l'écrasante majorité de mes appels passe, alors qu'à côté je bénéficie de l'illimité partagé de mes proches et que je dispose des SMS illimités, ce qui signifie qu'en pratique, les seules communications qui se décomptent de mon forfait sont les SMS vers l'international, ou les communications depuis l'international quand je m'y trouve. Ou éventuellement les numéros spéciaux. Or toutes ces communications sont exprimées en euros et ne correspondent pas au temps d'appel en métropole qui définit le montant indiqué en heures, minutes, secondes. Je sais que si j'envoie un SMS vers l'étranger, il m'en coûte 28 centimes. Si j'en envoie un depuis l'Europe, c'est 11 centimes (d'ailleurs ça n'a aucun sens, mais l'eurotarif ne s'appliquant qu'à l'itinérance, je vois que tu en profites). Si j'appelle depuis l'Europe, il m'en coûte 30 centimes la minute. Dès lors, comment est-ce que je fais pour calculer ce que je consomme et ce qui me va me rester si tout ce que tu me dis, c'est qu'il me reste « 4 h 29 min 31 s » ? Combien font 11 centimes en heures, minutes, secondes ? Et 30 centimes ?
J'ai soulevé l'objection au 700 en même temps que je me renseignais pour Édimbourg. L'opératrice a été charmante et m'a indiqué que la demande était faite. J'ai d'ailleurs reçu un SMS de confirmation, que je reproduis ci-dessous. Pour autant, la situation n'a jamais changé. Encore une fois, j'ai été patient, mais je savais qu'à mon prochain déplacement à l'étranger, je serais très embêté.
Et ce prochain déplacement à l'étranger, cher Orange, c'était la semaine dernière. Quelques jours avant, j'ai téléphoné au 700 pour vérifier que l'eurotarif s'appliquerait bien et que mon internet ne serait pas bridé. J'en ai profité pour réclamer à nouveau mon suivi conso en euros, et on m'a répondu que ce n'était pas possible et que c'était pour tout le monde pareil. Cher Orange, n'oublie pas que tout le monde n'a pas le même forfait et je doute que tu affiches le suivi conso en heures, minutes, secondes aux cartes prépayées et aux forfaits bloqués. Quant au reste, tout avait l'air en ordre. Je dis avait l'air parce qu'une fois n'est pas coutume, j'ai eu l'impression que l'opératrice au bout du fil ne comprenait pas ce que je voulais.
Je suis donc arrivé en Allemagne et là, surprise... impossible de me connecter en 3G. Après quelques tests, il est apparu que je tombais sur la fameuse page de la connexion bloquée après 50 euros de data. J'ai donc appelé le 700 jeudi 8 novembre au soir, où l'on m'a demandé de rappeler le lendemain. Le lendemain, l'opératrice au bout du fil m'a carrément annoncé que j'avais moi-même demandé à ce que la connexion soit bloquée ! Et qu'il fallait 24 heures pour la rétablir, ce qui franchement est indigne de la qualité de service que tu revendiques (par parenthèse, ça a effectivement pris 24 heures).
Cher Orange, si je paie très cher un forfait qui inclut l'international, ce n'est pas pour demander que la connexion en soit coupée. Cette dernière histoire m'a vraiment énervé, et je ne te parle même pas des 20 minutes de communication depuis l'étranger vers le 700 pour un service qui aurait dû fonctionner dès le départ. J'admets qu'une fois la connexion rétablie, il n'y a plus eu de problème, en dehors du fait que j'avais 4 h 29 min 31 s de forfait en arrivant et j'en suis reparti avec 0 h 44 min 06 s. Qu'est-ce que je peux faire avec ça ? Mon téléphone estime bien ma consommation, mais comment savoir quelle est la marge qu'il me reste ?
Cher Orange, si tu ne rectifies pas très vite le tir, je crois que j'envisagerai le divorce. Figure toi que mon contrat arrive à sa fin en mars prochain, et je peux déjà le dénoncer à peu de frais grâce à la loi dite Châtel et aux offres de tes concurrents. Je ne vois pas l'intérêt de continuer à payer 48 euros par mois (ce tarif expirant le 23 mars, je crains que ça ne repasse à 60,90) pour avoir l'international si tu me le bloques quand j'y suis, alors que je pourrais payer deux ou trois fois moins pour un forfait équivalent (en France métropolitaine). Oui, l'international me manquera. Mais tu mets tellement d'énergie à t'y opposer qu'au final, je me demande si je ne serai pas gagnant à te laisser tomber. Et quand je serai hors de France, et bien, j'utiliserai la vieille méthode que les étudiants utilisent depuis toujours : acheter une carte SIM locale.
Au vu de l'histoire et de la qualité du service en métropole, je n'ai pas spécialement envie de partir, mais pour me retenir, il va falloir que tu sois très, très convaincant.